Saint-Pierre des Minimes, un oratoire devenu musée
Bien connue des Compiégnois, Saint-Pierre des Minimes est l’église la plus ancienne de Compiègne. L’édifice actuel fut construit au cours du XIIe siècle : à l’origine, il s’agissait d’un oratoire rural, destiné aux habitants du domaine agricole concédé par Charles le Chauve à la future abbaye Saint-Corneille ; par sa charte d’or du 5 mai 877, l’empereur Charles le Chauve donnait à la collégiale Sainte-Marie, qu’il venait de fonder, un important domaine cultivé, la Couture Charlemagne. Un oratoire, dédié à Saint Pierre, dont la fondation pourrait remonter au Xe siècle, desservait les populations voisines. Cette fondation prit peu à peu de l’importance et devint prieuré vers 1185, quelque temps avant la fondation à Compiègne, en 1199, de nouvelles paroisses, Saint-Jacques et Saint-Antoine. Ce prieuré continuait à dépendre directement de l’abbaye, devenue Saint-Corneille.
Le prieuré Saint-Pierre est cédé en 1610 aux frères Minimes par l’abbaye Saint-Corneille. Les Minimes sont issus d’une réforme de saint François de Paule et s’installèrent en France sous le règne de Louis XI. Ceux-ci construisirent un couvent contigu à l’église, aujourd’hui transformé en école (depuis 1791) portant le nom de Pierre Sauvage, généreux bienfaiteur de Compiègne. Ils firent également d’importants travaux d’embellissement dans l’édifice de culte. Le mobilier dont ils garnirent l’intérieur est actuellement toujours en usage en l’église paroissiale Notre-Dame de la Nativité de Thourotte. La chaire, œuvre d’Henry Castelot, date de 1669, et l’autel de la chapelle Saint-François de Paule remonte lui aux années 1650. L'édifice servait également de cimetière. Barbe Frémault (Berny-Rivière, 1599 - Compiègne, 1636), célèbre pour sa piété, y fut inhumée. Bergère, elle fut engagée comme domestique de la famille Motel qui logeait dans la maison de la Belle Image à l'emplacement de l'actuel Crédit Lyonnais puis acheva sa vie au couvent ; sa réputation de quasi sainteté fut si grande que M. Motel demanda à être enterré à ses pieds. Barbe Frémault et Antoinette Vivenel, son héritière spirituelle, chanoinesse de Sainte-Périne, appartenaient au groupe dirigé par le cardinal Pierre de Bérulle et le père Charles de Condren, prêtres de l’Oratoire.
Le 22 juillet 1791, l’ensemble des bâtiments, devenu bien national, est vendu pour la somme de 16 000 livres. La Ville acquit le couvent et le transforma en école, confiée aux frères de la Doctrine chrétienne, mais l’église et le jardin furent partagés entre trois acquéreurs qui l'utilisèrent à des usages profanes. Le peu d’entretien conduisit à la destruction du clocher, puis du collatéral sud et à la transformation du chœur. Le portail est orné de sculptures très abîmées. Ce lamentable gâchis incita, dès 1840, M. de Cayrol à protester auprès du Conseil municipal qui souhaitait abattre le collatéral nord pour élargir la rue conduisant à l’école. Cette partie est achetée par l’Etat sans guère de résultat pratique au demeurant. La Révolution dispersa le mobilier et anéantit le décor : la relique dite du « bonnet de saint François » disparut alors.
En 1847, le Comité archéologique de Compiègne, ancêtre de la Société historique, reprend fait et cause pour la malheureuse église. Il demande son affectation à un usage religieux, soit pour l’école des Frères, soit pour la paroisse Saint-Jacques. Prosper Mérimée lui-même soutiendra ce projet. La Ville finit par devenir propriétaire du tout, entreprit des réparations telle la reconstruction du mur du chevet, percé d’un oculus, et décide la création d’un gymnase, inauguré le 7 juin 1865. Visité par Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique, en 1866, le gymnase resta en usage jusqu’après la seconde Guerre mondiale. Cela entraîna d’autres destructions : le sol de pierre est remplacé par un plancher de bois en 1872-1873, la tribune est démolie en 1887, enfin une banque s’appuya sur la façade en masquant l’ancien portail en 1910. Cependant, l’édifice est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 23 mars 1923. Devenu obsolète, le gymnase fut transformé en stand de tir au bénéfice du Ralliement. Restauré de 1991 à 1995, Saint-Pierre des Minimes a retrouvé, depuis 1998, une vocation plus noble en accueillant, sous ses voûtes rénovées, les manifestations de prestige organisées par la Ville de Compiègne et les associations culturelles de la ville ainsi que la présentation d’expositions temporaires.